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Re - Pères
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9 décembre 2007

injustices = révoltes = injustices...

L'injustice a toujours soulevé chez moi de l'indignation, que ce soit dans la sphère privée aussi bien envers celle qui court dans la société.

Aujourd'hui comme hier, les révoltes les plus farouches sont décriées par l'opinion publique qui ne comprend pas que des français puissent s'attaquer avec tant de rage aux biens publics et privés.

Relayez par des médias qui mettent en avant le sensationnel sans parler du contexte politico-social de certains quartiers, récupérer par les politiques pour justifier des mesures toujours plus répressives, l'on entend peu de voix sensées et intelligentes sachant comprendre sans excuser, expliquer sans manipuler...

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Cette entretien paru dans le Monde
nous éclaire sur ces violences qui ne peuvent nous laisser indifférents et lève le voile sur certaines réalités :

Christian Delorme, prêtre dans la banlieue lyonnaise, initiateur de la Marche pour l'égalité en 1983 et ex-membre du Haut conseil à l'intégration (1996-2002). interviewé par Mustapha Kessous.



" Que vous inspirent les événements qui se sont déroulés à Villiers-le-Bel ?

Les violences de Villiers-le-Bel s'inscrivent, en fait, dans une longue histoire. Il y a une trentaine d'années, les jeunes des banlieues se soulevaient déjà contre la police quand ils avaient le sentiment qu'une injustice insupportable était commise à leur encontre. Je me souviens, ainsi, d'émeutes dans des quartiers de Villeurbanne et de Vaulx-en-Velin (Rhône), à une époque - sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing - où l'on expulsait facilement hors de France des jeunes qui avaient grandi ici.

 

Les motivations des jeunes de banlieue en 1983, lors de la Marche pour l'égalité, diffèrent-elles de celles qui animent les cités aujourd'hui ?

Mais complètement ! Il y a vingt-quatre ans, les jeunes criaient leur peur d'être tués par des policiers. D'ailleurs, le premier slogan qui a été imaginé pour la marche était : "Arrêtez de tirer, on n'est pas des lapins." Au début des années 1980, beaucoup de gamins se sont fait tuer par les forces de l'ordre après une course-poursuite ou un vol d'autoradio. Désormais, ce type d'homicide a quasiment disparu, car la justice s'est enfin décidée à sanctionner sévèrement. La situation est différente aujourd'hui.

Que signifient alors les révoltes actuelles ?

Une haine née contre une accumulation de souffrances. Je suis frappé de constater que, dans le traitement médiatique et politique, jamais il n'est fait allusion au fait que nous sommes en présence de populations qui subissent un chômage massif depuis un quart de siècle. Il y a vingt-quatre ans, les jeunes pouvaient légitimement croire qu'ils allaient trouver du travail. La désespérance n'était pas la même. Lors de la marche, ils faisaient référence aux valeurs de la République. Le chômage et les discriminations ont eu raison de leur confiance.

Au point de vouloir tuer "un flic"...

Il faut poursuivre et punir les quelques personnes sans limites qui se conduisent comme des meurtriers en tirant sur les policiers, mais il ne faut pas entrer dans une logique qui transformera nos banlieues en scènes de bataille. Utiliser des hélicoptères pour survoler les cités, c'est transposer, en France, des techniques qui, ailleurs, notamment à Gaza et en Irak, sont des moyens de guerre. Parce que quelques centaines de jeunes en souffrance se révoltent pour des raisons qui peuvent se comprendre, le pouvoir politique croit nécessaire de répondre par des méthodes quasi militaires. Prochainement, il y aura l'utilisation de drones, ces engins volants sans pilote, pour surveiller nos banlieues. Or les drones sont une invention des Allemands au début de la seconde guerre mondiale, qui a été utilisée ensuite par les Américains lors de la guerre du Vietnam, et qui est très utilisée par l'armée israélienne pour espionner les Palestiniens des territoires occupés !


Pour Nicolas Sarkozy, comprendre la violence, c'est déjà l'excuser...

Le président paraît culturellement incapable de saisir ce que peut être la souffrance des gens au chômage, des gens qui sont en permanence sous surveillance policière. Car s'il y a une haine si forte d'une partie des jeunes de banlieue contre la police, c'est parce qu'ils connaissent depuis leur adolescence des contrôles d'identité. Une population qui est en permanence traitée en suspect ne peut nourrir que de la haine.

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Faudrait-il interdire les contrôles d'identité ?

Il faudrait trouver autre chose que le contrôle au faciès. La France est le seul pays européen qui pratique ce genre de contrôle massif sur sa jeunesse, de préférence typée noire ou maghrébine. On ne voit pas ça ailleurs en Europe, même en Turquie ! Comment expliquer que les autres pays européens arrivent à assurer leur sécurité sans humilier leur population de couleur ? Pourquoi la France ne sait-elle pas le faire ?

Diriez-vous, comme une partie de cette jeunesse, que la France est un pays raciste ?

Je ne le crois pas. La France est le pays d'Europe où il y a le plus de couples mixtes, c'est tout le paradoxe. En revanche, le pays n'est pas sorti de ses schémas mentaux coloniaux. Nous avons tous intégré, plus au moins, la pensée coloniale de sous-estimation des gens du Maghreb ou des Noirs. Je parle de structure mentale. Ça ne veut pas dire que nous avons le désir d'être xénophobes. Le vrai problème de la France, c'est que, depuis la guerre d'Algérie, elle a une gestion policière raciale de ses populations de couleur. Je ne dis pas que la police est raciste, mais que la politique qui est menée est intellectuellement raciste. Si nous considérions qu'un Noir ou un Maghrébin a les mêmes droits qu'un Blanc, nous ne ferions pas ces contrôles permanents et humiliants sur la voie publique.

Certains hommes politiques voient dans les émeutiers de simples délinquants, fruits de l'échec de l'intégration. Qu'en pensez-vous ?

Mais la délinquance est une forme d'intégration ! Ça prouve qu'on a compris comment fonctionne la société. Le problème, c'est qu'une partie de la population française est exclue de la société et qu'elle s'auto-gère. En réalité, les explosions en banlieue ne sont pas si fréquentes que l'on veut nous le laisser croire ! Or comment se fait-il que malgré toute la désespérance, les humiliations, la paix sociale est généralement maintenue dans ces quartiers ? Depuis trente ans, les meilleurs "gardiens de l'ordre" - on peut dire "les vrais gardiens de la paix" - ce sont les habitants, et notamment les parents. Ainsi, qui nous a le mieux protégés, ces dernières années, des attentats terroristes islamistes ? Les familles musulmanes de France qui, majoritairement, refusent l'extrémisme et la violence. Il y a vingt ans, les personnes qui ont protégé les cités de la diffusion massive de l'héroïne, ce sont les familles. Je me souviens qu'à Marseille les mères s'organisaient pour empêcher les voitures de dealers d'arriver. Que faisons-nous aujourd'hui ? Nous traitons leur héroïsme avec mépris : "Ils ne savent pas tenir leurs enfants", "ils égorgent le mouton dans la baignoire".

 

Quelle attitude devrait avoir la France envers les populations des cités ?

Je crois que nous manquons de confiance en elles. Il faut s'appuyer sur les réseaux de solidarité des habitants, en les accompagnant dans leurs désirs de dignité et de formation. Il faut des lieux d'accueil ouverts une partie de la nuit et animés par des adultes compétents, des maisons de l'amitié où les gens puissent se rencontrer et parler.

 

Et rétablir la police de proximité ?

La police de proximité ne peut être efficace que si elle s'inscrit dans une politique sociale et qu'elle soit soucieuse de combattre toutes les discriminations. Autrement, les jeunes ne feront aucune différence entre police de proximité et CRS.

Il faut, d'ailleurs, bien réaliser que tout se tient. Avec la nouvelle politique étrangère menée par Nicolas Sarkozy, il y a lieu, me semble-t-il, de s'inquiéter de l'impact sur les banlieues. La politique de paix de Jacques Chirac et son souci de maintenir de bonnes relations avec les peuples arabes ont servi la cohésion nationale. Le refus de s'engager en Irak a rendu des centaines de milliers de Maghrébins fiers d'être français. Et, de manière collatérale, cette position nous a protégés des attentats, contrairement à ce qui s'est passé en Angleterre ou en Espagne. Or, quand j'entends que la France ne rejette pas l'éventualité d'une guerre contre l'Iran, je tremble vraiment pour les conséquences que cela peut avoir chez nous. Si le pays s'engage avec les Américains dans une guerre loin d'être légitime, cela serait une cause de décrochage supplémentaire d'une partie de la population française. Ce serait traiter par le mépris la sensibilité de millions de citoyens.


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Pourtant, lors de son récent voyage en Algérie, le président de la République a admis que le système colonial était profondément injuste. Où est donc le mépris ?

Je pense que si la France s'excusait de ses crimes coloniaux, cela nous conduirait vers plus de paix sociale. Dans les schémas mentaux, une majorité de Français croit encore que la colonisation a apporté la civilisation à un certain nombre de peuples. Tant que nous n'aurons pas reconnu que la France a commis des actes contraires à la morale universelle dans l'Algérie colonisée, nous ne pourrons pas construire l'Union méditerranéenne que M. Sarkozy dit appeler de ses voeux.

Les révoltes en banlieue ont-elles aussi un lien avec la politique d'immigration de Brice Hortefeux ?

Bien entendu ! Même si les jeunes des banlieues ne sont plus des immigrés, ils savent d'où ils viennent. Ceux qu'on expulse restent quand même leurs frères. Ils ont la même "gueule" ! L'actuelle politique du chiffre à atteindre en matière d'expulsions de sans-papiers se révèle moralement intolérable. Ces dernières semaines, parce que les contrôles dans la rue ne sont pas assez productifs, on va chercher des familles, des femmes, des enfants au saut du lit. Cela s'appelle des rafles ! Cette politique ne respecte même pas les policiers qu'on envoie faire ces sales besognes. Et j'imagine que beaucoup de préfets doivent avoir du mal à se regarder dans la glace.

A vos yeux, la France reste-t-elle le pays des droits de l'homme ?

On ne veut pas reconnaître en France qu'il y a un problème de différence de traitement des gens en fonction de leur couleur. Notre pays aime affirmer qu'il est à l'origine de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Mais, même s'il a en effet porté celle-ci sur les fonts baptismaux, il a aussi souvent violé ces droits."

Je ne sais pour vous, mais moi ca me fait un bien fou d'entendre une autre voix, une autre reflexion et d'autres solutions que celles de la répression à outrance et de son corollaire : la peur....




Le Fil de Fer Masqué

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